Par Bénédicte Kumbi Ndjoko
La volonté qui a été la nôtre depuis le début de cette aventure était d’être au plus près de nos compatriotes qui sont laissés pour compte dans un pays où il n’y a pas de justice sociale, pas d’Etat où celui qui a les armes dicte sa loi.
La prison, le lieu où se matérialise de manière extraordinaire l’arbitraire au Congo
Le mois de mars, mois des droits de la femme, a été le déclencheur de ce processus. Une première visite à la prison centrale de Makala à été faite, après discussions et organisation avec les jeunes femmes du mouvement Quatrième Voie/Il est temps. C’est là où nous avons rencontré différentes femmes que nous avons décidé de suivre.
Vous me demanderez pourquoi choisir de travailler à prime abord pour des personnes qui sont des criminelles?
La prison, dans ce qui se dit un Etat, est le lieu où se matérialise de manière extraordinaire l’arbitraire, l’injustice qui règne au Congo. Si infraction il y a, et quand il y a infraction, la justice brille par son absence. Nulle proportionnalité des peines n’est ici appliquée quand les détenus ont la chance de passer devant un juge. Nulle écoute n’est organisée pour aider ceux en proie à des problèmes psychologiques.
Les mineurs et les adultes sont emprisonnés au même endroit. Les femmes sont les objets sexuels des chefs de prison, des gardiens comme des détenus hommes qui peuvent payer. Et lorsque le/la détenue a la chance de passer devant les juges, c’est le montant que le justiciable sera en mesure de payer qui déterminera le temps qu’il/elle aura à passer en prison. Il est d’ailleurs étonnant de voir la manière décomplexée avec laquelle, de la secrétaire en passant par les magistrats et les juges, tout ce monde n’éprouve aucune honte à montrer qu’ils sont corrompus. Et c’est précisément parce que l’Etat est absent que de tels comportements sont encouragés. Certains se font appeler Nguma( qui fait montre de duplicité, un voleur) et d’autres affirment que pour obtenir d’elle son travail ceci ne peut être fait à moins de 300$.
Une justice non pas à deux vitesses mais à cinq, dix ou vingt
Nous avons dès lors affaire non à une justice à deux vitesses mais à cinq, dix ou vingt. Les familles du petit peuple congolais sont saignées à blanc et ceux qui ne peuvent vraiment pas payer abandonnent pour la plupart du temps les leurs en prison. Des personnes peuvent ainsi passer 6, 10 mois, 1 an ou dix en prison sans que cela ne dérange le système judiciaire et sans qu’elles ne reçoivent la visite de leur famille.
C’est à ce niveau que nous avons décidé, en compagnie de deux avocats de la Quatrième Voie, Nenette Yoka et Legrand Sylva Mbikayi de travailler. Le but est de bousculer la justice afin que les femmes qui ont commis un délit mineur puissent voir un juge dans un premier temps. Si nous obtenons leur libération, nous regardons avec elles comment nous pouvons les soutenir à la sortie pour qu’elles puissent se réinsérer dans la vie sociale. À ce jour nous avons pu libérer trois femmes, Blandine, Rachel et Glody.
Récupérer le cœur des Congolais et des Congolaises passe par la volonté de redonner une dignité à ceux qui sont devenus des fantômes dans cette société. Ceci est la contribution du mouvement Quatrième Voie/ Il est temps et de nous-mêmes à cette bataille pour le Congo.
Si nous maintenons le contact avec ces femmes, il faut dire aussi que ce n’est pas aisé tant le traumatisme qu’elles ont subi est grand. Aussi il leur arrive d’appeler, mais il leur arrive aussi de ne plus se faire entendre pendant quelques jours. Et nous comprenons aussi que c’est ici que nous aurions besoin de l’aide de psychologues pour préparer au mieux ces femmes pour leur sortie qui advient dans la plupart des cas de manière tout aussi désordonnée.
Avocats du peuple
Cependant, ces difficultés ne nous arrêtent pas dans notre travail d’avocats du peuple. Récupérer le cœur des Congolais et des Congolaises passe par la volonté de redonner une dignité à ceux qui sont devenus des fantômes dans cette société. Ceci est la contribution du mouvement Quatrième Voie/ Il est temps et de nous-mêmes à cette bataille pour le Congo.
Quant à Blandine que vous pourrez écouter ici, nous avons le projet de l’aider à retrouver le chemin de l’école pour qu’elle puisse élever son enfant de manière digne. Il est né en prison mais la prison ne peut et ne doit être son avenir sous quelques formes que ce soit. Nous y veillerons. Et encore une fois tout ceci ne peut se faire sans vous. Ceci n’est qu’un des projets que nous menons sur le terrain car les besoins sont grands.
Dans cette vidéo, en lingala, Blandine (interviewée par Me Sylva de la Quatrième Voie) raconte comment elle a été incarcérée et pourquoi. Elle parle aussi de sa grossesse qui a été difficile et de ce que la visite organisée avec la Quatrième Voie/Il est temps a changé pour elle. Elle exprime aussi son désir de retourner à l’école et être peut-être qui sait devenir un député dans son pays.