Par Bénédicte Kumbi Ndjoko
La mémoire comme l’histoire se nourrissent l’une de l’autre et sont les témoins de leur époque. L’histoire comme la mémoire peuvent être les filles de choix déterminés par divers contextes politiques et culturels. Elles peuvent alors être le reflet d’un Zeitgeist national. Cependant, il serait malvenu de considérer ces deux notions comme étant interchangeables. Si l’histoire aspire à cheminer vers un processus de vérité par le biais de l’enquête, la problématisation et forcément l’incomplétude, la mémoire quant à elle vise à la patrimonialisation du souvenir pour nourrir les représentations et favoriser la cohésion du groupe dans une société donnée. Ainsi, lorsque la mémoire est convoquée, celle-ci l’est au titre d’une discussion sur le présent. Aborder la question des indépendances africaines pour parler de démocratie aujourd’hui, en faisant appel à la mémoire, nous informe plus sur le processus à l’œuvre dans nos sociétés présentes que sur ce qu’il a été à ce moment particulier. Ce qui remonte à la surface, ce sont les représentations du passé dans notre présent. Aussi, les mémoires particulière, en tant que représentation, comme tout autre phénomène peuvent être l’objet de distorsions, d’instrumentalisations. Leur utilisation à des fins précises dans l’arène politique peut provoquer de l’instabilité, des guerres ou la paix sociale lorsque l’on a recourt ou pas à des actes d’oubli. Si elle cherche à imposer une orientation de la pensée en affirmant que ce qu’elle proclame est LA vérité, en excluant les différentes mémoires s’exprimant dans la société, alors elle expose bien souvent les peuples à de fortes turbulences. Ajoutons encore que la mémoire peut être l’élément déclencheur du besoin d’histoire qui devrait nécessairement cheminer avec la pensée critique qui implique la discussion et peut ainsi être un des garants de l’éducation à la pluralité mémorielle, donc d’un équilibre social. C’est dans cette optique que la mémoire est ici discutée.
Une absente
Si l’on considère les discours publics au Congo, pour saisir les processus mémoriels en cours, on peut constater une chose frappante, à savoir l’absence acharnée de la mémoire. Pour être réactivée, la mémoire doit s’adosser à ce que Ribot défini comme des points déterminants, des évènements. C’est à partir de ces évènements qui apparaissent comme des jalons plantés sur le cours de l’histoire que l’on peut faire remonter à la surface d’autres souvenirs pas immédiatement accessibles. Cependant, ceci n’est pas suffisant en ce sens que la mémoire a besoin d’un autre pour pouvoir se déployer pleinement. Ceci suppose donc que la mémoire est avant tout une relation, une conversation avec l’autre qui nous permet de nous rappeler. C’est du fruit de cette relation, comme le réfléchit Halbwachs, qu’il nous est possible de nous et de situer l’autre, d’entamer une pensée sur nous-mêmes, de nous représenter à nous-mêmes. La co-plongée dans le hier plus ou moins lointain, dont peuvent surgir des souvenirs individuels, n’aboutit pas à faire vivre de manière absolue les évènements passés, elle est une reconstruction. Ainsi, celle-ci, en tant que passé, entretient une relation privilégiée avec le présent car de ses besoins va naître un passé particulier.
Il découle de tout ça enfin que la mémoire est un acte éminemment social qui se sert de ce cadre particulier, le social, pour entamer un discours sur l’existence des individus entendus comme appartenant à une société donnée. Pour expliciter ce postulat on peut tous penser aux toutes premières heures, semaines ou mois de notre existence. Nous ne conservons pas de souvenirs précis, datés de notre première tétée ou du moment où nous nous sommes levés pour marcher. C’est du récit de nos parents, voire de notre entourage que nous apprenons ce que nous avons été. C’est à partir de leurs récits, des photos ou de petits films que ces récits deviendront des récits-souvenirs, des représentations communes à l’histoire familiale à la fois individuelles et multiples. Sans cet apport particulier, il est impossible de nous souvenir. C’est donc le long des chemins individuels en interaction que se développe une mémoire commune qui aboutit à une mémoire collective qui trouve sa réalisation dans la conscience individuelle. Ce qui apparaît également de ces relations en mémoire, c’est l’importance du langage. C’est de l’interaction mémorielle langagée que naît la pensée. Parler c’est dire ce que l’on pense. La pensée quant à elle ne peut que se développer dans un milieu social, là où il y a du lien, là ou il y a un langage commun. C’est dans ce cadre particulier que l’individu peut accroître ses connaissances, partager et penser ses expériences. Le langage partagé est le lieu de l’apprentissage, de la connaissance, et pour qu’il y ait de la pensée, il faut nécessairement qu’il y ait de la mémoire.
Admettons que la mémoire dans les constructions sociales relève du domaine de l’État. Dans le cas congolais on peut observer que de manière générale, celui-ci tait les représentations pour ne garder que des évènements choisis et l’oubli. L’encouragement à l’éradication de la mémoire fonctionne comme une narration dominante au Congo. Il est le fait de ce qui est identifié comme État et qui est partie prenante des constructions mémorielles publiques. Dans la relation que le régime entretient avec le peuple, certaines images particulières, plus que d’autres, ont la faveur de ceux qui s’identifient comme les dirigeants. Ainsi, lorsque le passé est abordé, lorsque la mémoire doit être convoquée, il n’est question que d’illustres disparus vidés de toute forme de signification et à la pensée inexistante. La parole qui devrait idéalement accompagner ces mises en récit, qui devrait discuter les représentations multiples auxquelles ces différentes figures donnent lieu est totalement bannie pour ne laisser la place qu’au mutisme prenant la forme d’une injonction. Cette interprétation particulière de la mémoire publique nait d’un besoin, celui qu’a le politique en charge de diriger la cité de gouverner ou de mé-gouverner. Elle est aussi le fruit d’une identification très forte à des politiques extérieures, qui peuvent être interprétées comme une tradition et qui consiste à imposer l’oubli comme politique mémorielle au sein de l’espace congolais et plus largement africain.
Kabila au cours de ces dernières années a été présenté, souvent si ce n’est tout le temps, dans le discours assumé par le pouvoir en place comme l’homme qui a apporté les valeurs de la démocratie au Congo. En atteste toujours pour ses supporters à l’intérieur du pays comme à l’extérieur du pays les deux élections présidentielles de 2006 et de 2011. Suivant cette idée, cette interprétation du besoin/désir démocratique au Congo est la matérialisation d’un besoin identifié dans le passé qui trouve sa réalisation dans le présent. Les Congolais ont exprimé leur volonté de vivre en démocratie durant le régime Mobutu qui était un dictateur. Son éviction de la scène politique ne pouvait et ne devait donner naissance qu’à une démocratie, comme celle que mettaient en place des présidents- mercenaires comme Yoweri Museveni, Paul Kagame, les nouveaux types de leaders africains selon l’Amérique de Bill Clinton. Laurent Désiré Kabila avait presque réussi à réaliser ce voeux avant qu’il ne soit assassiné et c’était à son fils, perpétuant la mémoire de son père, de concrétiser cette aspiration du peuple. Son accession au pouvoir fait de manière dynastique n’a pas été discuté, comme la signification de son inscription dans l’histoire congolaise non plus. Pas un mot n’a été dit sur le fait que le pouvoir usurpé de Joseph Kabila devait user de l’habillage démocratique, du moins en paroles, pour pouvoir se maintenir et faire le travail lui assigné par le voisin rwandais et les instances internationales, plus précisément anglo-saxonnes.
Les nouvelles forces politiques au Congo et leurs soutiens extérieurs avaient l’exigence après l’éviction de Mobutu du pouvoir et la mort de L. Kabila d’annihiler toute aspiration réellement démocratique de la part du peuple et de mobiliser les esprits autours de l’idée de rupture. Le peuple avec l’avènement au pouvoir de Joseph Kabila devait se conter et être heureux d’avoir réussi à en découdre avec la dictature et devait laisser de côté les questions portant sur l’après, sur l’avant et sur les continuités. Le résultat de cette urgence c’est le brouillage et l’établissement d’une image déformée de ce que les chantres de la majorité présidentielle, de l’opposition et des membres de la société civile appellent démocratie et qui est forgée constamment en comparaison implicite avec les 35 ans de règne de Mobutu alors qu’il est en même temps célébré comme un des chaînons de l’avènements de la démocratie au Congo. Paradoxalement, il est au final le model et le repoussoir grâce auquel le pouvoir mortifère du régime de Kabila est totalement occulté, en même temps que s’oppère une confiscation de la mémoire commune. La mémoire commence avec Mobutu. Et là encore, il n’est pas question du Mobutu complice de la mort de Lumumba, du Mobutu putschiste avec l’aide de l’Occident. Dans cette acceptation, discuter, à fortiori, les luttes congolaises de l’avant indépendance et l’indépendance pour comprendre les dynamiques politiques, historiques, sociales aujourd’hui n’est même pas de l’ordre du superflu. Ca n’existe pas. La commémoration de ces événements deviennent autant de fanfreluches que l’on porte aux cérémonies officielles sans en interroger le sens.
Pour comprendre cette pratique de l’oubli, donc d’absence de représentation et de discussion du passé, il faut lire le Congo en terme d’affrontement, de guerre qui dépasse largement le contexte afro-africain. Il convient d’interroger les relations que ce pays entretient avec ce que l’on nomme les puissances occidentales colonisatrices hier et aujourd’hui. Ce postulat peut être compris en se penchant sur une conception guerrière pratiquée par les Grecs et dont l’Occident s’est toujours prévalue, même si aujourd’hui ce n’est pas affirmé haut et fort. Les grecs stipulaient que l’une des règles cardinales de toute conquête est de nier l’histoire, la mémoire, l’identité et la personnalité culturelles des peuples conquis. La mise en pratique de cette idée au moment des conquêtes européennes en Afrique a placé la destinée de l’homme africain entre les mains de l’homme blanc. Son passé et son avenir se confondaient alors avec l’histoire des Européens qui leur assignaient toujours une position subalterne, et traitaient leurs actes de résistance contre la pénétration européenne comme un détail de l’histoire. Ceux-ci de par leurs aventures esclavagistes, coloniales et néo-coloniales n’ont cessé d’intimer l’ordre aux Africains de se débarrasser de leur passé, d’abord déclaré inexistant avant les conquêtes coloniales, puis déclaré indésirable pendant et après les luttes d’indépendances, surtout lorsqu’elles se sont mises à remettre en cause l’action européenne en Afrique. Cette mémoire a été et continue à être vilipendée par le politique occidental et ceux en charge de porter une certaine vision du monde dans ses universités, ses journaux et télévisions, au motif que l’Europe, en particulier, ne peut éternellement se repentir de ce qu’elle a commis comme actes abominables en Afrique, et par le fait aussi que l’état dans lequel se trouve l’Afrique aujourd’hui est de l’entière responsabilité des Africains. Ceux-ci n’ont pas été en mesure de capitaliser sur les bienfaits de la colonisation, aussi ils doivent se taire, circulez il n’y a rien à voir!
L’argumentaire de la nécessité de mettre en place des actes d’oubli est d’ailleurs repris par certains Africains qui refusent d’interroger l’impact qu’ont eu les politiques coloniales, la déshumanisation et les traumatismes durables occasionnés par celles-ci sur la destinée de millions d’afro-descendants. Pour eux, il s’agit de s’attacher uniquement à l’action présente des Africains, comme si ceux-ci vivaient en autarcie, comme s’ils ne fallait pas se souvenir et comme si les politiques de prédations des sols africains notamment, ne soulevaient pas la question de la néo-colonisation. De part et d’autre l’oubli est souhaité, encouragé, organisé, consacré comme une attitude responsable alors que d’essayer de faire valoir certaines mémoires comme un préalable de l’histoire équivaut à être un raseur, un pleurnicheur, une victime. Dans cette dynamique de l’oubli, et en ce qui concerne le Congo, il faut également tenir compte de l’action de ceux qui dirigent le régime actuel et d’autres qui le combattent en se définissant comme l’opposition et qui en se taisant sur les réelles causes de la guerre au Congo, deviennent des alliés volontaires ou objectifs de ceux qui mènent les guerres néo-coloniales, et qui à l’instar de Hillary Clinton, de passage dans la région du Kivu, demandent aux Congolais d’oublier les massacres, les viols, le pillage dont ils sont victimes au nom d’un réalisme politique qui exige cela pour la bonne marche de la nation.
Forts de cette injonction, les acteurs politiques congolais vont user de manière exponentielle de termes et de formules comme ‘’démocratie’’, ‘’démocratique’’, ‘’le besoin de sauver la jeune démocratie congolaise’’, ‘’Accord de la Saint Sylvestre’’ alors que le pays est au bord du gouffre et vit un génocide sans précédent.
Ces différentes actions, discours et la déstructuration totale du temps qui s’ensuit, procèdent d’une mise en scène qui vise à priver le peuple de tout repère. La permanence de cette narration oublieuse de la mémoire doit dessiner la base de la non-participation du peuple à la construction de la pensée nationale et à un Etat viable. Au nom de cet idéal, il semble dès lors nécessaire de mener une politique mémorielle dont le paradigme central est la mémoire néant qui éclaire les dynamiques d’exclusion ou d’intégration dans la conduite des affaires publiques, de reconnaissance ou non de groupes particuliers. A un niveau international, la volonté organisée de rendre les mémoires inopérantes, favorise les pénétrations néo-coloniales en ne questionnant pas les motivations, les méthodes d’influence et de domination des anciennes puissances coloniales. En usant par exemple des interventions humanitaires, en prônant des politiques de réconciliation nationale lors de conflits au détriment des victimes, en sanctionnant l’un ou l’autre dirigeant africain, ceci permet aux instigateurs des tragédies que nous vivons et qui utilisent des Africains pour mener à bien leurs politiques, de reléguer aux oubliettes le rôle qu’ils jouent dans l’histoire de l’impérialisme en Afrique et la question raciale qui sous-tend toutes ces entreprises. Cette manipulation de la mémoire et par conséquent des mémoires subalternes renforce dans l’espace du dominé, le sentiment de victime car dans sa relation de dépendance il est le récipiendaire du discours de l’autre sur lui médiatisé par des instances politiques inféodées au discours hégémonique de l’oubli et qui sont proches de lui. La mémoire et surtout son évincement peut ainsi s’apparenter à une guerre perpétuelle qui rend le Congolais inexistant car incapable d’exister dans sa propre mémoire, incapable d’être l’histoire. Partant, cette fantômisation de l’être congolais permet également en finalité de lui dénier le droit à sa terre. Etant donné qu’il n’a aucune mémoire et sous-entendu ici d’histoire, sa terre peut donc être perçue comme une terra nullus, sans maître. Ce qui se passe à l’Est du pays, et au Kasaï, le fait que des Congolais soient chassés de leur territoire pour être remplacés par des populations venues du Rwanda voisin, illustre bien ce lien qu’il existe entre le fait d’être expulsé en quelque sorte de sa propre mémoire, de l’histoire, et en fin de compte ne plus posséder de territoire. Le Congolais peut dès lors subir toutes les formes de violence, d’outrages et même un génocide sans que cela ne dérange car lui et le Congo n’existent pas.
Dans ce contexte, où il y a un essai féroce de captation de la mémoire, il ne suffit pas de crier le nom d’une Kimpa Vita, d’un Kimbangu ou d’un Lumumba mais faut-il encore comprendre comment ces mémoires sont l’objet d’un travail de fond qui consiste à les rendre inopérants, non seulement dans la construction d’une mémoire collective mais également dans la construction d’institutions fortes et pérennes. On voit dès lors que l’un des enjeux, si ce n’est l’enjeu ici c’est la charge du récit : si cette mémoire n’est pas prise en charge alors ce sont des groupes divers et varié qui vont s’en charger. En mal de figures tutélaires, le peuple érigera ses propres monuments, même s’ils lui sont néfastes. On peut déjà noter ce phénomène au Congo avec l’importance qu’ont pris les musiciens comme acteurs de la lobotomisation par l’abrutissement, artistes dont le pouvoir ne cesse de médiatiser par exemple leurs querelles ou leurs anniversaires qui deviennent des cérémonies officielles et nationales. On peut faire le même constat au niveau des églises de réveil. Le passé est rejeté au profit d’un récit biblique qui lui-même situe l’homme noir dans une a-historicité parce que le récit a été médiatisé par une autre instance qui a vu dans ce texte un instrument de dévalorisation de l’être noir et de la captation de son esprit et partant de ses terres .
Que faire alors?
On peut se demander comment une mémoire dominante prônant l’oubli comme valeur cardinale peut prétendre à la démocratisation d’une société alors qu’elle nie la possibilité à l’individu et plus largement à une société un droit qui apparaît comme un droit fondamental celui de se remémorer et mettre en discussion la mémoire comme antidote contre l’effritement de la communauté nationale et partant de l’existence d’un Etat? Une des questions qui devrait motiver la société congolaise est : Comment sortir de l’aphasie mémorielle ? C’est-à-dire ne plus être capable d’user des mots pour se dire tant les maux enferment la psyché. Ceci suppose, entre autres, qu’il faille réfléchir la question de la dépendance. Si la dépendance peut se rapporter à la sphère économique, elle doit aussi être appréhendée dans sa dimension culturelle, historique et mémorielle. Qui me fournit le discours que j’entame sur moi-même et dans quelle mesure il est indispensable à mon existence? Répondre à cette question avance l’idée que je dispose de connaissances sur la condition de l’homme africain passée, présente et future. La dépendance pour la majorité des Congolais se situe au niveau de la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et qui leur est fourni en dehors des frontières de leur propre corps. Le point de référence unique à la parole de l’autre constitutive de ma non-mémoire doit être bousculée, écartée. Dire ‘’je’’, ‘’nous’’, s’identifier loin de l’aliénation ouvre les portes à une possibilité de coordonner ses actes, sa pensée, son expérience avec mon autre et rétablir les fonctions sociales de la mémoire comme ciment de la famille d’abord, de la nation plus largement et comme fondement de ma propre individualité.
La mémoire, la pensée, et la parole qui doit advenir pour que les deux premières existent procèdent du lien social et l’on voit bien alors la nécessité de reconstruire celui-ci sur la base d’un nouveau pacte social libre de toute entrave. Le fait de pousser à la fragmentation des identités, à des revendications régionales ayant comme soubassement la tribu oblitère aux yeux des Congolais la communauté de passé, d’expériences qui sont les leur et ne laisse pas percevoir comment les demandes formulées par le passé éclairent les revendications présentes. La manière dont nous avons de nous souvenir met en lumière la nouvelle forme de colonialisme que nous subissons. Aussi les demandes qui en découlent, ‘’respect de la constitution’’, ‘’respect des accords sous l’égide de la communauté internationale’’ etc…ne sont que la matérialisation du transfuge de la pensée coloniale. La démocratie que nous appelons tous de nos voeux, par exemple, n’est que le reflet d’un paradigme idéal à atteindre et façonné ailleurs. Celui-ci est la forme de gouvernement, selon ceux qui veulent l’exporter, qui a été crée, fondé en Europe et qu’elle a généreusement donné au monde. De ce fait l’Europe, et son jumeau américain, a une sorte d’ancestralité, une forme de droit qui leur permet de dicter à d’autres peuples comment cette démocratie doit se développer en ne tenant pas compte des histoires et des particularismes locaux. Dans cet appel, il y a une éviction évidente des mémoires africaines sur leur mode de gestion de l’État considéré par beaucoup d’Africains et de Congolais en particulier ici comme des archaïsmes dégoutants et inefficaces. Et il n’est pas étonnant qu’elle trouve aujourd’hui les mercenaires de cette pensée au sein de la jeunesse africaine socialisée à l’extrême par la politique de la main tendue, par la brutalité de la guerre, en colère contre ses aînés et peu encline à questionner son mode de fonctionnement et la mémoire qui l’anime.
Il en découle donc, que les mots qui lient doivent reprendre leur place afin de reconstruire les repères sociaux bouleversés. Il n’est plus question de vivre avec des mémoires niées, coercitives ou artificielles avec la brutalité et la cadence effrénée de la mort en fait car celles-ci sont toutes le refus du sens.
Bénédicte Kumbi Ndjoko
[…] Este texto está publicado en la sección de Ideas del movimiento congoleño Likambo Ya Mabele. Les mémoires aphasiques, desde el 29 de mayo de 2017. Traducido para Umoya por Juan Carlos Figueira […]